top of page

Une vie, Les cris du vent, p. 185

 

            "Le vieil homme quitta le porche de la maison. Il n’y avait aucun bruit, aucun bruit à part le lancinant cliquetis de la balançoire. A quelques mètres du vieux portique rouillé, il s’arrêta : vêtue d’une longue robe blanche – celle-là même dans laquelle elle avait été portée en terre -, Estelle, jeune, belle et vivante, se balançait doucement, poussée par le vent chaud et calme. Elle lui sourit, ses immenses yeux bleus s’illuminant étrangement et lui fit un signe de la main, ou bien était-ce seulement pour chasser ses cheveux ? Le pas hésitant, le vieillard s’approcha un peu plus. Une forte bourrasque fit soudain gémir les branches des quelques grands arbres qui entouraient le petit parc. Doucement, la main pâle d’Estelle vint se poser sur la joue du vieil homme. La caresse fut longue et tendre, Rolland eut l’impression d’être effleuré par une aile de papillon. Soudain la caresse se fit griffure. Des ongles longs et acérés s’enfoncèrent tout à coup dans la chair de Rolland… il hurla en reculant vivement.

 

            Devant lui, malgré l’obscurité, il voyait le visage de la jeune femme se changer en une apparition de cauchemar. Ses cheveux, mus par le vent, paraissaient vivants, dansant une étrange farandole autour de la tête d’Estelle ; ses longs bras à présent décharnés tendaient vers le vieillard deux mains noueuses et rapaces… mais le pire restait ses yeux, deux yeux sombres d’où s’échappait un flot de sang noir et nauséabond."

 

bottom of page